vendredi 29 février 2008
Mazzocchio tissé
Ouvrage de dame, cette qualification accompagnait et peut-être retardait, depuis plusieurs mois, la représentation mentale que très précisément je me faisais de ce projet de produire un mazzocchio tissé. Tressé semblerait mot plus séducteur mais non, il s'agit bien de la conjugaison orthogonale d'une trame avec une chaîne du tissage. Blanc. Blanc, comme un ouvrage de coton solidifié au sucre confectionné par des mains féminines habiles à manipuler les aiguilles ou le crochet. Fier bibelot d'étagère ou de buffet de salle à manger cristallisant le goût de l'habileté manuelle. Quelles qu'en soient les raisons, obscures ou limpides selon le point de vue qu'on croira adopter, l'insistant mazzocchio revenait défier ses possibilités d'apparition selon d'autres modalités. Quadrillage. Autre obsession omniprésente, le banal quadrillage s'impose et cherche à adapter sa structure croisée sous une forme inédite.
Pensé assez clairement pour être exécuté sans hésitation, le mazzocchio tissé ne demandait que la disponibilité nécessaire pour décider de son diamètre et du diamètre de ses tranches dont la multiplication s'imposait si l'on désirait obtenir un effet de damier. 28 fois 10 font 280, le plus grand nombre de facettes de toute la série de mazzocchios exécutés depuis les trois ou quatre années que je me suis attelé à cette tâche.
A la représentation mentale longtemps portée virtuellement (au risque d'en perdre le motif) s'ajuste le besoin de travail manuel. Les mains occupées laissent l'esprit libre de se livrer à des enchaînements préoccupants. Certes, la matérialisation tangible (plus ou moins) conforme de la représentation mentale allège, mais une occupation des mains ne liquide pas toute préoccupation.
Couleurs. Ne pas confondre les différents développés a entraîné le choix de leur accorder des couleurs (un peu pâles), à peine assez choisies, dont l'harmonie laisse un peu à désirer. (Quoiqu'au cours du traitement des photos la vue des couleurs à l'écran, qui gomme un peu le grain du papier, on aura pensé fugitivement aux irisations de la nacre.) On imagine le même objet en blanc mais la performance, le temps passé à s'y contraindre, font hésiter, à moins d'imaginer la confection d'un demi-mazzocchio qui laisserait voir son intérieur, dénué de couleur, vers lequel on a plongé le regard, pleinement conscient que l'achèvement de l'objet en interdirait désormais la vue. Les dernières étapes se présentant à l'avance comme particulièrement délicates, la hantise de ne pas savoir fermer l'objet, s'est vrillée en l'idée que même inachevé, l'entreprise aurait de l'intérêt. A de fréquentes reprises la volonté de voir et de montrer l'intérieur d'un mazzocchio a tenté de se frayer un chemin convenable en présentant l'esquisse d'un schéma viable. Le moment est peut-être venu du demi-mazzocchio, comme on montre des coquillages coupés en deux pour illustrer la perfection de l'ellipse naturelle. Cependant ce mazzocchio-là inaugure une forme inédite (pour moi) plus apparentée à la bouée emplie d'air et non plus cloisonnée. Et le défi d'un demi-mazzocchio tissé demeure dans sa rigidification, il faudra coller les lanières aux croisements, solidariser définitivement chaîne et trame alors que dans celui-ci la colle n'intervient que pour refermer chaque boucle. On se remémore à cette occasion qu'une des inconnues de cette entreprise, dissipée rapidement après quelques entrecroisements, résidait justement dans la tenue du volume, ne s'affaisserait-il pas ? Eh bien non. Comme un objet gonflable, comme un muscle, on peut en tâter la souplesse ; sans aller toutefois jusqu'à l'écraser. Fragile évidemment reste le volume conquis.
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2 commentaires:
Je crois que tu as retrouvé la manière dont peut-être les mazzochi étaient fabriqués à la renaissance. Un tressage de jonc. En tout c'est magnifique une fois construit et de voir aussi sa mise en place laisse bouche bé. bravissimo.
J'oubliais de mentionner un oubli et comme le texte est déjà très long je le dirai ici, les longs rubans souples et les couleurs employées m'ont fait penser au mètre souple des couturières.
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